Publié le 02/06/2025 à 06h00 dans Ouest-France
POINT DE VUE. « Allons-nous enfin briser le tabou de la « TVA sociale » ? »
Les menaces qui pèsent de plus en plus sur le financement de la Sécurité sociale amènent la question de la « TVA sociale » à revenir dans l’actualité. Ancien ministre de l’Économie et des Finances, le centriste Jean Arthuis plaide pour que le sujet soit débattu sereinement plutôt que balayé d’un revers de main.
« La TVA sociale est de retour dans le débat public. À peine est-elle évoquée qu’un torrent de critiques passionnées tente de couper court aux arguments qui la justifient. Ses détracteurs dénoncent immédiatement une injustice sociale. Ils mettent en avant qu’elle pénaliserait les classes aux ressources modestes puisqu’elle est payée par tous les consommateurs, quel que soit leur niveau de revenus. Pour peu que le gouvernement cherche des dizaines de milliards d’euros pour réduire le déficit budgétaire, ses contempteurs veulent y voir un expédient pour boucher le trou. Si le motif est de réduire les cotisations assises sur les salaires, les mêmes dénoncent un « cadeau aux patrons ». Démagogie et illusionnisme nourrissent la rhétorique rituelle. Stupéfiant enfermement qui enfonce chaque jour un peu plus la France dans ses anachronismes. Au-delà de l’emballement de nos dettes publiques, le déséquilibre chronique de notre balance commerciale nous appelle à la lucidité.
Tout d’abord, reconnaissons que collectivement, au plan national, nous consommons plus que ce que nous produisons. Il est vrai qu’en érigeant, il y a quelques décennies, la consommation et le temps libre en valeurs suprêmes, nous avons pris le risque d’aller rapidement faire nos courses dans des pays où les coûts de production sont sans commune mesure avec les nôtres.
Délocalisations d’activités et d’emplois, désindustrialisations se sont multipliées. Convenons qu’il y a urgence à endiguer ce mouvement en produisant plus et mieux. Les réponses dites populaires ont montré leurs limites. L’intérêt général commande une réflexion sereine sur la durée du temps de travail, sur une semaine comme sur la vie entière. Ne perdons pas de vue notre défi démographique. Baisse de la natalité et vieillissement des populations exigent un sursaut de compétitivité.
Financer notre protection sociale
Ce qui est en cause, c’est le financement de notre protection sociale. Santé et politique familiale sont au cœur de la solidarité nationale. Notre système, conçu au lendemain de la Libération, fait le choix d’asseoir son financement sur les salaires et d’accroître ainsi le coût du travail. Ce qui était supportable avant le déchaînement de la mondialisation est devenu un accélérateur de délocalisations.
Dans ces conditions, n’est-il pas plus équitable de financer ces deux branches de la Sécurité sociale par l’impôt ? Et parmi les impôts, la TVA qui est payée aussi bien sur les productions françaises que sur les importations de biens et de services ? Le produit de ce supplément de TVA ne doit pas avoir pour objet de venir alléger les déficits publics. Il viendrait en déduction du coût de nos productions nationales, facilitant les exportations puisqu’elles sont exonérées de TVA. La concurrence aidant, le prix demandé aux consommateurs serait pratiquement stable, la baisse des charges sociales compensant la hausse de TVA. En termes de justice sociale, l’achat de biens et services importés échappe largement au financement de notre système de santé et de notre politique familiale.
Les droits de succession doivent-ils être augmentés pour réduire les inégalités de patrimoine en France ?
Enfin, en comparaison des taux de TVA en vigueur dans les autres pays de l’Union européenne, la France applique un barème inférieur à la moyenne. Notons que dans les pays scandinaves, notamment au Danemark, les charges sociales ont été supprimées dans les années 80 moyennant une hausse de TVA, avec l’accord des partenaires sociaux. Outre les gains de compétitivité et de croissance, ce dispositif permet de revaloriser les salaires. Osons briser un tabou absurde et débattre sereinement d’une question aussi vitale pour notre avenir. »