Congrès de l’Atelier Libre et Responsable – Samedi 9 octobre 2021
Rapport moral, présentation tenue par Jean Arthuis, Président
« Chers Amis,
Nous tenons aujourd’hui notre première assemblée générale depuis la fondation de notre Atelier Libre et Responsable. C’était ici, au Sénat, le 30 novembre 2019. Nous avions pour objectif de créer un Think-Tank afin de poursuivre nos réflexions entreprises sous l’égide de l’ Alliance Centriste. Réflexions et débats qui avaient abouti à la publication, avant les élections présidentielles de 2017, de notre manifeste « Libres et responsables ». Manifeste qui reste notre propriété intellectuelle et constitue le socle de nos travaux.
Engagés à étudier et débattre des sujets de société, nous avons opté pour le statut juridique de parti politique, seul moyen de permettre aux généreux donateurs de bénéficier d’un crédit d’impôt de 66%. Sans eux, nous serions condamnés à l’indigence. Cela étant, au-delà de nos travaux studieux, nous avons l’action en ligne de mire et espérons que certains d’entre nous oserons porter nos idées devant le corps électoral en faisant acte de candidature lors des échéances à venir. Suivant en cela l’exemple de nos parlementaires, Sylvain, Martine, Michel et Valérie, sans compter celles et ceux qui exercent des mandats territoriaux. Voués à avancer par la force de nos convictions, de nos valeurs centristes – l’économie sociale de marché, la démocratie, l’Europe – nous devons compter sur nous-mêmes, à l’abri de toute tentation dispendieuse tant nos moyens financiers sont limités. Très vite, nous avons réglé les formalités administratives, ouvert un compte en banque, trouvé une domiciliation, conçu un logo d’identification, ouvert un site internet, assuré notre présence sur les réseaux sociaux. Je veux rendre hommage à notre délégué général, Philippe Grigy qui a fait preuve d’une rigueur et d’une efficacité exceptionnelles. Il a véritablement porté notre frêle esquif et lui a donné vie. Je lui sais gré d’avoir mis son expertise, son énergie, son enthousiasme souriant au service de notre idéal dans un contexte imprévu et tumultueux.
Le 30 novembre 2019, lors de la création de notre Think-Tank-Parti politique, nous ignorions que deux semaines plus tôt, dans la Chine volontiers secrète, à Wuhan, le coronavirus avait fait son apparition. Il allait soudainement se propager dans le monde. En France, le 24 janvier 2020, trois premiers cas sont officiellement recensés. Très rapidement, nous prenons conscience que nous entrons dans la plus grave crise, hors temps de guerre, que notre pays va devoir affronter. Epreuve de vérité pour notre système de santé et notre Etat providence, seul assureur en dernier recours, qui ne tarde pas à reprendre du service. Le 12 mars Emmanuel Macron lance un appel général à la mobilisation « quoi qu’il en coûte ». Pour protéger les Français et prévenir le collapsus économique, le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens. Soudainement, les contraintes budgétaires ont été levées. La pandémie n’épargnant aucun pays, le pacte de stabilité et de croissance est suspendu. Le déficit public bondit à 9% du PIB, lequel régresse de plus de 8%. Les banques centrales, notamment la Banque Centrale Européenne, réagissent promptement en rachetant les dettes publiques à des niveaux inédits. Trois vagues de Covid vont rythmer le pilotage politique, mettant en veilleuse l’engagement de certaines réformes déjà freinées par le déclenchement du mouvement des gilets jaunes en octobre 2018.
Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore sortis de la pandémie mais le taux de vaccination constitue un bouclier efficient. A la surprise générale, l’économie retrouve un niveau d’activité robuste. Si les difficultés subsistent dans quelques secteurs, nous devons reconnaître que le gouvernement a pris les bonnes décisions au bon moment. La fin du « quoi qu’il en coûte »
s’ approche. S’ouvre une phase délicate de débranchement progressif des aides financières. Le rebond de croissance, pour robuste qu’il soit est freiné par la pénurie de ressources humaines et la désorganisation des circuits d’approvisionnement. Les prix de l’énergie et des matières premières flambent et laissent se profiler un risque d’inflation. De fortes pressions vont s’exercer pour revaloriser les salaires.
Au plan européen, la crise a révélé de larges marges de progression en matière de santé et de coordination. Outre la recherche de procédures communes dans la lutte contre la pandémie, on a vu des frontières se fermer sans préavis. En revanche, d’utiles initiatives sont apparues, aussi bien des commandes groupées de vaccins que des accueils transfrontaliers de patients pour soulager les hôpitaux submergés. Acquis significatif, pour la première fois, répondant à l’appel du Président Macron, les Etats membres ont accepté d’émettre une dette commune de 750 milliards d’euros en vue de financer un programme de relance, le « Recovery and Resilience Plan ». Ceux qui s’endettent ensemble reconnaissent qu’ils ont un destin commun à assumer. De son côté, la BCE présidée par Christine Lagarde a pris la mesure des enjeux et de ses responsabilités, osant intervenir aux limites extrêmes de son mandat. Grâce à ses interventions, pour des volumes d’ampleur inédite, les Etats ont pu engager des moyens exceptionnels pour garantir la sécurité sanitaire et maintenir en vie les entreprises et préserver les ressources des salariés. Quant au Brexit, il a fallu attendre le 28 avril 2021 pour que le Parlement européen approuve l’accord commercial entre le Royaume-Uni et l’UE, mettant un point final -peut-être provisoire- au douloureux chapitre ouvert par nos amis britanniques. Pendant ce temps, les atermoiements des Européens reportent la définition d’une ligne politique claire face au défi migratoire, avivé par la récente prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan. C’est dire si la prochaine présidence française de l’UE, pendant le premier semestre 2022, revêt une importance toute particulière.
Enfin, la situation internationale reste instable, marquée par la confrontation entre les USA et la Chine. Le président Xi Jinping entend faire de son pays la première puissance mondiale économique et militaire. Le multilatéralisme qui a régulé les échanges commerciaux est en train d’exploser. Le président Trump avait proclamé « America first » comme emblème de son action à la tête des Etats-Unis. Tous ceux qui s’étaient réjouis de l’élection de Joe Biden en estimant qu’il reviendrait à de meilleurs sentiments en sont pour leurs frais. Le drame Afghan, consécutif au retrait brutal des militaires américains en porte témoignage. Rude désillusion, confirmée par la malheureuse rupture sans préavis du contrat franco-australien. Contrat du siècle pour Naval-Group qui devait produire 12 sous-marins pour un montant de 35 milliards d’euros. Tant de déconvenues vont-elles enfin créer l’électrochoc salutaire ? Il serait judicieux que l’opinion publique européenne s’éveille et fasse pression sur les dirigeants nationaux. Souhaitons que l’ambition maintes fois proclamée par Emmanuel Macron en faveur d’une autonomie stratégique de l’Europe puisse rallier nos partenaires.
Les Allemands viennent de renouveler leur Parlement. Le scrutin du 26 septembre a mobilisé 75% des électeurs. Madame Merkel attend que les partis forment une coalition de gouvernement pour rendre les clés de la chancellerie, après 16 années d’exercice du pouvoir. Nos voisins ne semblent pas hantés par l’hystérie pré-électorale qui sature chez nous les plateaux de radio et de télévision. Il semble bien qu’une dose de proportionnelle et la puissance des régions apaisent le climat politique Outre-Rhin. Nous sommes impatients de connaître le nom du prochain ou prochaine chancelier(e). Mais ne nourrissons aucune illusion quant aux facilités budgétaires. Nos conventions monétaires, le pacte de stabilité et de croissance ne tardera pas à revenir d’actualité. Il ne sera plus question de plafonner notre dette publique à 60% du PIB, la plupart des pays de la zone euro ont explosé leur endettement et ne sont pas à la veille de revenir sous ce plafond. En revanche, je gage que les calvinistes réactiveront la limitation à 3% du déficit annuel. En d’autres termes, nul doute que le pilotage des finances publiques et de la dette s’invitera dans la prochaine campagne présidentielle.
Et pendant ce temps, dans des conditions rendues difficiles par les contraintes sanitaires, l’Atelier Libre et Responsable est resté mobilisé, actif et créatif. A défaut de réunions en présence physique, nous avons organisé des communications, débats et échanges par visio-conférence. En près de deux ans nous nous sommes retrouvés à une trentaine de reprises (15 au 1er octobre 2021).
En 2020, nous avons organisé 14 visioconférences. Les thèmes évoqués ont visé :
- La TVA sociale comme levier de la compétitivité et de l’emploi ;
- La dette et l’avenir des finances publiques françaises ;
- La réforme du système de santé ;
- La situation politique à la périphérie de l’Union européenne ;
- Les orientations d’une nouvelle architecture de notre système de santé ;
- La sécurité et l’ordre public ;
- La formation professionnelle et la mobilité longue des apprentis en Europe, le rôle de l’association Euro App Mobility ;
- Les nouvelles orientations de la politique agricole commune.
A notre crédit, la mise en ligne de quatre rapports :
- Territoires de santé (Sylvie Izdag) ;
- TVA sociale ;
- Sécurité et ordre public (Alain Fontes) ;
- Orientation de la PAC (Luc Vernet) ;
- Réforme de la gouvernance publique (déconcentration, décentralisation).
Bien qu’elle se soit tenue début 2021, je veux également citer l’audition de madame Nathalie Rives, professeure de médecine au CHU de Rouen qui dirige le centre de PMA et qui préside la Fédération des centres d’études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos) à propos du projet de loi autorisant la PMA. De même nos travaux sur les conséquences du télétravail (Christopher Hermelin et Mickaël Grandin).
Dans des circonstances difficiles, avec des moyens modiques, nous avons tenu le cap que nous avions fixé en lançant notre cercle d’étude et de réflexion. Démonstration est ainsi faite que l’efficacité n’est pas qu’une question d’argent. Rien ne saurait remplacer la volonté et l’implication personnelle et collective. Un grand merci à vous tous.
Pour conclure, en ode à la liberté qui nous est chère, je vous livre une citation que j’emprunte à Alexis de Tocqueville :
« Je crois fermement qu’il dépend de nos contemporains d’être grands aussi bien que prospères ; mais c’est à la condition de rester libres. Il n’y a que la liberté qui soit en état de nous suggérer ces puissantes émotions communes qui portent et soutiennent les âmes au-dessus d’elles-mêmes ; elle seule peut jeter de la variété au milieu de l’uniformité de nos conditions et de la monotonie de nos mœurs ; seule elle peut distraire nos esprits des petites pensées, et relever le but de nos désirs ».
Oui, nous sommes libres et responsables.
Merci de votre attention. »