Hommage rendu à la mémoire de Patrick Leroux par Jean Arthuis
Nous voici réunis, en cercle familial, élargi à la stricte intimité, pour dire un dernier adieu à Patrick.
Patrick qui a voulu que ses funérailles soient célébrées dans la discrétion, à distance des rites pompeux. Exécutant ses volontés ultimes, Armelle, Lénaïk, Anne et Katel nous ont conviés à une cérémonie d’autant plus émouvante qu’elle est confidentielle.
Patrick nous a quittés si soudainement que nous sommes dans la sidération et le chagrin, à la peine pour exprimer ce que nous ressentons, pour nous souvenir de tout ce que nous avons vécu à ses côtés, des chemins que nous avons empruntés, des actions que nous avons menées, des réflexions que nous avons partagées.
Comment relater en quelques phrases le parcours d’un enfant de Château-Gontier, viscéralement fier de ses origines bretonnes, sensible, imaginatif, poète, compositeur, interprète, homme de plume talentueux ? Plus de trente ans de compagnonnage ont forgé entre nous un lien fraternel.
Patrick avait frôlé la mort en 1983. Proche de ses parents, je prenais régulièrement des nouvelles de sa santé et de son rétablissement au lendemain de l’effroyable accident de circulation dont il fut victime, sur la route de Coudray. Le diagnostic vital était engagé, mais à force de courage et de rééducation, il retrouva sa motricité mais resta marqué à vie par un handicap éprouvant.
C’est à la fin des années 80, à l’occasion d’une campagne électorale que nous nous sommes rencontrés. Jusque-là, j’étais attentif à la carrière prometteuse du jeune artiste qui alternait entre les lumières de la scène et le journalisme. Cette campagne avait pour ambition de rassembler les quatre communes de notre agglomération.
Au sein de notre équipe, Patrick était notre barde, il avait composé un hymne enthousiaste qu’il interpréta, s’accompagnant à la guitare, en conclusion du dernier meeting, à la veille du scrutin. Le succès des urnes fut partiel et inachevé. Pour moi, l’enseignement fut clair. Je compris que nous devions renforcer notre communication et faire œuvre de pédagogie. Réélu maire, je fis appel à Patrick qui ouvrit ainsi le second volet de sa vie professionnelle, au péril de son épanouissement artistique.
Nous avons depuis lors avancé de conserve, comme on dit chez les marins, en confiance. Dans un premier temps, Patrick mit en place le service de communication pour la ville de Château-Gontier-Bazouges ainsi que pour la Mayenne angevine. Assumant parfaitement sa mission, il développa tout à la fois la communication externe et l’information à l’intérieur de nos institutions territoriales. Ancien journaliste, il était l’homme de la situation à l’égard du monde des médias. Dans les services, son empathie faisait merveille. Pour le maire, à l’époque où le cumul des mandats créait le risque de perdre de vue des faits locaux ou des attentes manifestées par des citoyens, Patrick savait écouter, évaluer et hiérarchiser les informations qu’il me transmettait. Réfutant l’esprit partisan, il avait le sens de l’intérêt général et palpait l’opinion avec discernement.
En 2001, prenant congé de la fonction publique territoriale, il devint mon assistant parlementaire, rattaché au Sénat puis au Parlement européen, en 2014. Ce nouveau statut le rendit éligible au conseil municipal et je crois pouvoir affirmer qu’il fut heureux de devenir adjoint de Philippe Henry en 2007, s’engageant dans l’action avec ferveur au service de l’intérêt général.
Ensemble nous avons mené d’autres campagnes, lancé et animé des débats, parcouru les routes de la Mayenne, des Pays de la Loire, de la Bretagne, de la région Poitou Charente. Loyauté faite homme, Patrick fut mon confident et mon conseiller privilégié. Localement, il était l’ami de tous, sans clivage, sans discrimination. Intuitif, pragmatique, il avait l’intelligence des situations. Savait mieux que quiconque identifier la personne ou la cause qu’il fallait aider et soutenir. Il détectait et imaginait le signe à donner en guise de compréhension et de respect. Profondément humain, il ressentait les besoins réels et savait trouver les mots justes pour apaiser et réconforter. Il prit sa retraite au 1er janvier 2016 mais continua à m’accompagner lors de rencontres et conférences, notamment en Bretagne.
Dans ce qu’il est convenu d’appeler, les allées du pouvoir, Patrick se singularisait par son humilité. A l’opposé des apparatchiks si nombreux dans la sphère politique, toujours avides de capter la lumière, de faire parler d’eux, Patrick mettait un point d’honneur à rester dans l’ombre. C’est pour cela qu’il rayonnait et apparaissait exemplaire aux yeux de ses collègues.
Elus et collaborateurs lui vouaient estime et reconnaissance pour ses avis et ses conseils. Depuis mercredi, en dépit du silence observé, la nouvelle de son décès s’est propagée. Parlementaires, élus locaux, militants politiques, collaborateurs, conscients de notre proximité, m’ont adressé de nombreux messages de condoléances et témoignages poignants de sincérité, me confirmant le lien fraternel que nous avons tissé au fil des années.
Pendant toutes ces années, je n’ai jamais entendu Patrick se plaindre. Sans doute souffrait-il dans sa chair, des suites de son accident de 1983, mais sa philosophie de l’existence, son humour et sa sagesse gommaient les aspérités.
Pudique à propos de sa famille comme de lui-même, il me parlait parfois d’Armelle, de leurs filles et petits-enfants toujours avec amour et affection. Il ressentit douloureusement la disparition de son jeune frère, Jean-Michel. Nous ne manquions jamais d’évoquer notre enfance, nous nous étions croisés à Saint-Michel, j’étais déjà chez les grands lorsqu’il y commença sa scolarité. Nous parlions de nos parents, gens affables, simples et travailleurs, qui s’estimaient mutuellement. A l’évidence, nous avions des racines et des valeurs communes.
A vous Armelle, à vous Lénaïk, Anne, Katel, à vous Françoise, et à tous les vôtres, j’adresse mes pensées attristées et émues. Je veux rendre hommage à une illustre figure que nous avons aimée, son humilité excessive était sa discrète fierté.
Merci, Cher Patrick, tu nous laisses les enregistrements de tes chansons. Ta voix et tes mélodies perpétueront ta présence. Dans ton riche répertoire, nous écouterons avec émoi, en communion avec toi, ce couplet que tu as chanté sur un ton dont la malice cachait la gravité prémonitoire :
« Du temps de mes timideries,
Il me reste quelque tourment :
La peur de vieillir trop lentement,
d’être en retard à mon enterrement »
Selon ta volonté, tu n’iras pas en terre. Tu vivras dans nos cœurs et nos mémoires.
Adieu Patrick.
Jean Arthuis,
Château-Gontier, le 19 septembre 2022