Enjeu municipal :
La décentralisation optimale appelle la commune nouvelle

 

Les quelque 35.000 communes françaises sont désormais regroupées dans l’un ou l’autre des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Selon les territoires, elles adhérent à l’une des 21 métropoles, des 13 communautés urbaines, des 223 communautés d’agglomération, ou bien des 1.001 communautés de communes. Autrement dit, à l’exception de 4 communes restées isolées, 1.257 EPCI ont repris une partie substantielle des compétences communales, leur budget global va bientôt atteindre 60% de celui des communes, et leurs assemblées délibérantes votent l’impôt. Amorcé dans les années 70, le phénomène de regroupement communal s’est accéléré depuis vingt ans. Ainsi transformé, alors que tous les avis plaident pour une simplification du « mille feuilles » institutionnel, le paysage territorial comporte une couche administrative supplémentaire. Cette évolution devrait donner une autre dimension au débat qui s’ouvre à l’occasion des élections municipales. S’il est vrai que sur les listes de candidats certains noms sont fléchés pour siéger dans l’assemblée intercommunale, dans les programmes présentés aux électeurs le projet collectif est rarement évoqué sinon totalement absent. Ce qui pose une question d’ordre démocratique. Par ailleurs, le fonctionnement des EPCI est diversement apprécié par les élus municipaux. Certains maires ressentent une dépossession de leurs prérogatives. Dans le même temps la « réunionite » s’avère chronophage du fait des doublons entre la commune et l’intercommunalité. Quant aux citoyens, ils peinent à savoir qui fait quoi. Et pendant ce temps, des communes nouvelles voient le jour au sein même du territoire intercommunal.

Instituée par la loi du 16 décembre 2010, la « commune nouvelle » permet à plusieurs communes de se regrouper volontairement pour mettre en commun leurs moyens et optimiser leurs capacités de développement. Les incitations de la loi pour « des communes fortes et vivantes » du 16 mars 2015, initiée par l’Association des Maires de France, complétée par les assouplissements prévus par les lois du 8 novembre 2016 et 1er août 2019, ont permis de lever les hésitations initiales. Le mouvement est enclenché et la dynamique est appelée à s’amplifier. Au 1er janvier 2019, 794 communes nouvelles ont vu le jour sur notre territoire national. Elles regroupent 2.500 communes et 2,4 millions d’habitants. Si leur avènement n’a pas toujours été l’objet d’une consultation des populations concernées, elles présentent l’avantage d’aller jusqu’au bout de la logique de mutualisation, de recherche d’économies de gestion, de rationalisation des investissements tout en conservant l’identité des communes fondatrices qui gardent des élus, certes moins nombreux, mais un chef de village, le « maire délégué ».

A ces motivations rationnelles, s’ajoutent des considérations plus politiques, soit le renforcement du pôle urbain central, soit la volonté de peser plus fortement dans l’exécutif intercommunal. Une question inéluctable ne va pas tarder à se poser : comment faire coexister EPCI et communes nouvelles ?

Le phénomène de regroupement est loin d’être abouti et stabilisé. Le choix du nom à donner à la commune nouvelle est révélateur, il sollicite l’imagination sans toutefois donner une identité nouvelle. Principe de précaution, les pionniers pensent que d’autres communes voisines vont probablement les rejoindre. Mais au fond, dans une vision prospective, il est devenu imaginable de transformer un EPCI en commune nouvelle. Pour boucler la boucle. Il reste à vérifier que les limites géographiques de l’EPCI sont compatibles avec une vraie communauté de destin. Certains couvrent des territoires immenses à l’intérieur desquels élus et citoyens se sentent perdus. Leurs assemblées sont de véritables parlements difficiles à héberger, et sans doute à gérer. La dynamique des communes nouvelles est probablement le meilleur levier pour transformer la sphère publique française, la rendre plus efficiente, plus réactive, plus créative, plus robuste. Les communes nouvelles se construisent sur une vision et un projet, leurs dimensions sont le gage de leur pérennité, leurs compétences et la somme de leurs capacités les rendent attractives pour accueillir les talents professionnels nécessaires à leur développement. Ainsi équipées, elles peuvent revendiquer de nouvelles compétences que l’Etat tarde à leur transférer, notamment en matière d’environnement, de sécurité, d’archéologie préventive, d’expérimentation et d’innovation.

L’intercommunalité est une transition vers la commune nouvelle. Et la commune nouvelle constitue le préalable à l’ambitieuse et complète décentralisation du pouvoir administratif. Osons construire l’avenir en scellant un pacte de confiance entre l’Etat et les communes nouvelles.